Où, Caen, Comment.

“C’est quoi être un photographe ?”

Après plus de 12 ans de vie photographique, je commence à peine à me poser cette question. J’ai toujours été long à la détente.

C’est quoi être un photographe ?

Juste quelqu’un qui fait des photos ? Pour qui ? Pour quoi ? Juste pour faire des photos ou pour en vivre ? Et pourquoi pas les deux à la fois ?

Je vais vite m’embourber et vous faire fuir avec des idées de gens bourrés à la Chouffe à 19h et sans manger. Mais je tente.

Caen, 2009. Tout commence par une histoire d’une banalité extaordinaire : mon collègue de thèse pour ne pas le citer (hello M. Alary), veut s’offrir un boitier (un D90) avec une des premières payes de doctorant que nous touchions. Nous étions riches en comparaison de notre précédent statut social d’étudiant/CROUS/Resto U/Bière pas chère. En tant que suiveur invétéré, j’ai donc fait de même mais ai choisi la crèmerie au liseré rouge puisque mon paternel était déjà équipé dans cette marque. S’en est suivi drôlement rapidement un plaisir instantané. Le plaisir que tout le monde connaît de pouvoir créer une image de bonne facture juste en bougeant un doigt. Magie, science occulte, talent inné ?

Mon père ayant quand même fait de la photographie toute sa vie professionnelle, je me devais d’être bon. En tout cas, c’était ce que je me disais dans mon for intérieur. Je sortais donc mon boîtier, armé d’un petit 18-55, dans toutes (absolument toutes) les occasions. J’étais donc devenu le relou de service entiché d’un appareil photo. Cliché d’autant plus cocasse, au vu de mes traits de visage et du racisme ordinaire, autorisant la fine comparaison avec les touristes nippons et leur passion Nikon.

De 2009 à 2012, j’ai donc pris d’innombrables mauvais clichés, pas tous mauvais bien sûr, mais bordel : que de cadrages foireux, quel manque de profondeur et de risque, quelle autosatisfaction dans l’inconsciente facilité de l’être, que de techniques testées (les flous, les poses longues, les filés, le mini studio dans le 25m² sans modèle…), d’essais nocturnes, de portraits peu engagés, de concerts à la Maison de l’étudiant ou dans les bars caennais, de street photography fade, de fêtes immortalisées, d’architecture pas structurée. Sur les quelques 10 000 clichés que mon appareil a subi, il ne reste vraiment rien de bien.

Rien ?

Non. J’ai kiffé. J’ai aimé, j’ai adoré, j’ai vécu la passion des débuts, je me suis fait des souvenirs, crée une contenance et une expérience, ouvert des portes, fermé des gueules, sorti de mes sentiers battus et rentré frustré chez moi, affiné mon regard et mes envies comme un bon vieux claquos moulé à la louche. J’ai appris à apprendre à faire. Instagram était balbutiant, pas encore la pression de toutes ces images de folie qu’on croise actuellement et dont, on n’arrive plus à s’émouvoir tellement nos cœurs peinent à suivre le rythme. Alors, ces quelques clichés retravaillés pour l’occasion, c’est mon témoignage bancal et inexpérimenté d’une passion naissante. D'une passion couvée et encouragée par les potes, la famille et nourrie de tous ces trucs qui nous font du bien.

Alors, c’est quoi être photographe ? Au moment précis où j’écris, mmmhhhhh j’dirais que c’est une façon de trouver une (sa) voie, presser tout ce qui nous constitue et le restituer de la meilleure manière qui soit, vivre l’instant présent, se souvenir du passé pour nourrir les projets futurs. Allez stop le pignolage.

On verra si je suis d’accord avec moi-même dans 10 000 clichés. Mes pauvres boîtiers…


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